Ou plutôt en écriture ! Du temps où je devais affronter les dictées, c’était juste un devoir.
Aujourd’hui, c’est une promenade dans ma langue que j’aime tant.
Lue dans le livre « Dictées d’hier et d’aujourd’hui » de Jérôme Duhamel et Florence Duhamel-Dugot, j’ai aimé cette dictée de Bernard Pivot :
« Les mots ont la bougeotte. Seuls ou groupés, ils forcent les frontières, passent par-dessus les vallons, les vallées et les puys, s’immiscent dans nos fourre-tout, voyagent avec nos nippes et nos affûtiaux. Voudrait-on les empêcher de s’envoler tous azimuts que cela se révélerait inopérant. Car les mots sont cachés dans notre bouche, embusqués derrière nos quenottes, notre luette ou nos amygdales.
Sitôt arrivés à Montréal, à Canberra ou à Kinshasa, à peine avons-nous, les uns ou les autres, desserré les lèvres, que les mots, pressés de s’égailler dans la nature, s’échappent comme des étourneaux.
Les mots sont d’infatigables globe trotters. Ils se jouent des fouilles et des censures. Les mots sont libre l’air. Mais, de tout temps, les mots se sont battus pour vivre. Que de verbes et d’adjectifs, frappés d’obsolescence, se sont retirés du trafic !
Que d’onomatopées se sont ressemblé, concurrencées, apostrophées, nui, exclues !
Que de substantifs caducs et prétentieux de petits-maîtres se sont laissé supplanter par les mots succulents des rastaquouères !
Le vocabulaire détonnant et drolatique des sans-culottes a eu l’heur de régénérer substantiellement la langue. Tes esbroufes d’hier, ô ma langue ! sont devenues prosaïsmes rabâchés d’aujourd’hui. Que de fois t’es-tu retrouvée, ma douce péronnelle, ballottée au gré des modes imprévisibles ! Maintenant tout va plus vite, et les mots, eux aussi, se sont mis au prêt-à-porter, au clonage, à l’apocope spontanée.
« Je cause, tu causes, il cause… » La plus belle cause, c’est la langue. »